Jeudi 21 Août 2025
Pourquoi me priver m’appauvrit encore plus (et comment sortir du piège des économies de bout de chandelle)
Bonjour à toutes et à tous,
Certains mois, la rigueur devient une ligne de conduite.
Les sorties sont repoussées, les petits plaisirs supprimés, pour économiser quelques euros par-ci, par-là, dans l’espoir de retrouver un semblant de maîtrise.
Mais après quelques semaines, la pression est parfois trop forte et laisse place à un achat impulsif.
Et le compteur repart dans l’autre sens : le découvert revient, accompagné d’un sentiment de découragement plus profond et de honte de ne pas savoir gérer son budget.
Nous l’avons vu dans l’épisode précédent de la newsletter : en 2023, d’après Le Monde, 45 % des Français ont été à découvert au moins une fois dans l’année.
Il ne s’agit pas de pointer un manque de rigueur ou d’accuser une faiblesse de caractère.
Ce qu’il faut interroger, c’est l’idée tenace selon laquelle la solution passerait par une austérité totale. Car à force de s’imposer des limites rigides, on finit par rompre l’élasticité nécessaire pour durer dans le temps.
Il existe pourtant une autre voie à la privation.
Une manière de s’en sortir sans se priver à l’excès, en identifiant les ressorts de ce cycle et en agissant à la racine.
Une fois ce mécanisme compris, il devient possible d’amorcer un changement durable plus doux, plus stable, et surtout, plus respectueux de soi.
En 2013, le chercheur Eldar Shafir, professeur de psychologie à Princeton, cosigne avec l’économiste Sendhil Mullainathan le livre Scarcity: Why Having Too Little Means So Much (que l’on pourrait traduire par La pénurie : pourquoi le fait d’avoir trop peu prend autant de place).
Voici leur thèse : lorsqu’on manque d’argent, de temps ou d’énergie, ce n’est pas seulement notre quotidien qui se complique. C’est notre esprit tout entier qui se réorganise autour de ce manque.
En effet, quand on est dans un sentiment de manque et de privation, notre attention se resserre sur l’urgence et toute notre énergie se concentre sur le court terme.
C’est ce qu’Eldar Shafir appelle le tunnel de la rareté.
Dans ce tunnel, le cerveau fonctionne en mode survie.
On repousse ce qui n’est pas immédiat, on oublie des démarches essentielles, on sacrifie le long terme sans même s’en rendre compte. Non pas par négligence, mais parce que notre bande passante mentale est saturée.
Et plus la privation dure, plus elle fragilise notre capacité à faire des choix lucides.
Résultat : on prend de mauvaises décisions, on creuse notre découvert et on s’en veut.
Ce n’est ni un manque de volonté, ni une fragilité personnelle.
Ce que décrit Eldar Shafir est un effet neurologique mesurable, provoqué par le stress du manque. Le cerveau, happé par l’urgence, entre en mode survie et se focalise sur ce qui semble vital à très court terme.
Ce focus extrême a un coût invisible mais élevé : à force de scruter le solde de son compte jour après jour, on en oublie des décisions stratégiques. Par exemple, résilier une assurance trop chère, contester des frais bancaires, anticiper des frais de santé… Tout cela passe à la trappe, non par paresse, mais parce que l’attention disponible est saturée.
Eldar Shafir appelle cela la « myopie décisionnelle » : on voit flou au-delà de l’immédiat.
Si vous voulez en savoir plus, on vous recommande la conférence TED d’Eldar Shafir qui dure 15 minutes (vous avez aussi la version plus longue, très intéressante, dans cette vidéo de 50 minutes).
Cette myopie décisionnelle déclenche un cercle vicieux : plus on tente de rattraper le manque par des sacrifices à court terme, plus on néglige ce qui permettrait d’en sortir.
Résultat : le tunnel de la rareté se referme.
Pour résumer, le schéma est le suivant :
privation → entrée dans le tunnel → surcharge mentale → décisions myopes → coûts élevés → encore moins d’argent → le découvert se creuse
Si vous vous reconnaissez dans ce schéma, retenez ceci : ce n’est pas une preuve d’échec personnel. Les recherches d’Eldar Shafir le montrent clairement. Le manque agit comme un brouilleur de signal. Il affaiblit la vigilance, grignote l’attention disponible, complique chaque choix.
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une sortie à ce tunnel.
Pour ne pas rester piégé dans ce cycle, il ne s’agit pas de redoubler d’efforts, mais de retrouver un peu d’espace mental.
Voici une méthode en 3 étapes, inspirée des travaux d’Eldar Shafir, pour sortir du tunnel du manque et de la privation.
Je sors du tunnel de la rareté
- Étape 1 : réduire la charge mentale
Lorsque l’on traverse une période de manque, chaque dépense devient un dilemme.
On passe un temps considérable à comparer les prix, à chercher le code promo idéal, à retarder l’achat d’un produit pourtant nécessaire, parfois pour économiser quelques euros. Mais comme le rappelle Eldar Shafir, « le cerveau est occupé à survivre, pas à planifier. »
Le premier levier pour rouvrir une issue dans le tunnel est de supprimer une friction récurrente : cet abonnement que l’on ne regarde plus, cette application qu’on a oubliée, cette facture en attente qui grignote l’attention.
Un virement automatique de dix euros vers un compte tampon dédié, une demande d’échéancier, une annulation qui traîne depuis des mois : chacun de ces gestes agit comme un désencombrement mental. Ils redonnent une impression de maîtrise, aussi modeste soit-elle.
Reprendre le contrôle ne commence pas toujours par de grandes décisions. Parfois, cela commence par moins penser à ce qui nous épuise.
- Étape 2 : écrire ce qui compte (pas ce qui manque)
Quand l’argent se fait rare, notre attention se fixe instinctivement sur ce qui manque. On pense à ce qu’on ne peut pas s’offrir, à ce qu’il faudrait repousser, à tout ce qu’on s’interdit pour rester « raisonnable ».
L’exercice est simple. Prenez une feuille ou un carnet et écrivez cette phrase : « Ce qui me fait croire que je dois me priver. » Laissez remonter, sans filtre, les peurs, les injonctions, les croyances que vous portez autour de l’argent. Puis notez tout ce que vous avez déjà et qui compte pour vous. Pas nécessairement du matériel, cela peut être une relation précieuse, un lieu qui vous ressource, un talent que vous développez.
Cet exercice vous sort de la logique punitive et vous éloigne du sentiment de manque pour aller vers l’abondance.
La rédaction du Tabou des Sous a fait l’exercice.
Voici ce que nous avons noté dans la colonne des manques :
« Si je dépense pour moi, j’ai peur de ne pas avoir assez pour les imprévus. »
« J’ai grandi avec l’idée qu’il faut toujours économiser parce que l’argent part trop vite. »
« Je dois maintenir mon niveau de vie le plus bas possible, au cas où mes revenus diminuent un jour. »
Puis, dans la colonne des acquis :
« J’ai déjà un petit matelas d’épargne qui me protège en cas d’urgence. »
« J’ai appris à cuisiner au lieu d’acheter des plats tout faits, et ça me fait économiser sans me frustrer. »
« Je suis sûrement capable de trouver 1 ou 2 petits jobs temporaires pour augmenter mes revenus si besoin. »
- Étape 3 : planifier un petit levier stratégique (au lieu de micro-comparer chaque dépense)
Dans un état de manque et de privation, la tentation est forte de chercher la perfection budgétaire : couper les dépenses visibles, éviter le moindre café, renoncer à tout ce qui dépasse l’essentiel.
Pour sortir de ce schéma, mieux vaut déplacer l’attention. Ne plus chercher à traquer les centimes, mais à repérer les fuites silencieuses, celles qui pèsent réellement sur votre équilibre.
Une décision stratégique, même minime, peut créer un effet de levier considérable.
Voici quelques exemples concrets :
- Identifier la plus grosse fuite de votre budget et y remédier.
- Mettre en place une notification automatique quand le compte passe sous un certain seuil, pour ne plus avoir à le surveiller en permanence ni subir un découvert évitable.
L’objectif n’est pas de viser un contrôle absolu, mais de rompre avec le réflexe de tout comparer à l’euro près.
Vous évitez de vous épuiser à faire des économies de bouts de chandelle, et vous vous attaquez enfin à ce qui vous appauvrit réellement.
La sortie du tunnel commence ici
Vous n’avez pas besoin de tout maîtriser, ni de devenir un expert de la gestion financière.
Vous avez juste besoin d’une chose : créer une brèche dans le tunnel. Un petit espace mental pour reprendre la main et retrouver du souffle.
Pour cela, on vous recommande de regarder la vidéo "Comment bien gérer son budget", issue des modules de la formation LiveMentor en Finances Personnelles que vous avez reçus gratuitement lors de votre inscription au Tabou des Sous.
Accédez gratuitement au cours pour apprendre à gérer votre budget.
Dans cette vidéo de 7 minutes, Yoann Lopez, créateur de la newsletter Snowball, vous partage sa méthode personnelle pour gérer un budget.
L’objectif est clair : ne plus finir à découvert et enfin sortir de la spirale de la privation.
Dans la vidéo, Yoann Lopez vous explique comment organiser vos finances de manière pragmatique, avec un modèle Excel prêt à l’emploi et un tutoriel pour s’en servir, à découvrir ici en accédant gratuitement au module.
Cet outil très complet va vous permettre de reprendre la main sur vos finances, quel que soit votre niveau de départ.
Vous le voyez, sortir du tunnel n’est pas une question de mérite ou de volonté. Il suffit d’avoir les bons outils pour y arriver pas à pas.
La vidéo « Comment bien gérer son budget » est un bon point de départ.
Elle est gratuite, accessible, et surtout, elle peut changer la donne.
Accéder gratuitement à la vidéo pour gérer son budget et sortir du tunnel
Et si cet épisode vous a parlé, c’est peut-être le moment d’ouvrir un nouvel espace. Le vôtre !
À très vite,
La rédaction du Tabou des Sous
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